C’est un style de théâtre. Aussi a-t-il , à diverses époques , provoqué
les critiques soit des puristes, comme La Bruyère, soit d’écrivains peu habitués au théâtre, comme Fénelon. Le premier
dit « Il n’a manqué à Molière que d’éviter le jargon et le barbarisme,
et d’écrire purement é à dir "on. és au théstes, comme La Bruyèree de »
(Caractères Ch. 1). Et Fénelon : « …En pensant bien , il parle souvent mal ; il se sert des phrase les
plus forcées et les moins naturelles . Térens dit en quatre mots , avec la plus élégante simplicité ce que celui-ci ne dit
qu’avec une multitude de métaphores qui approchent du galimatias . J’aime bien mieux sa prose que ses vers …
Mais en général il me parait , jusque dans sa prose , ne pas ver point assez simplement pour exprimer toutes les passions »
. (Lettre à l’Académie, Ch. VII). Ces reproches a expliquer relativement
, que valent-ils en eux- mêmes ? Il faut avouer que Molière écrit très vite
, soit en vers , soit en prose ; de là , surtout en vers , quelques passages pénibles , quelques figures pas assez cohérentes
, quelques traces de galimatias . Mais , d’autre part , il faut toujours
se rappeler que Molière a le génie dramatique si objectif , qu’il écrit chaque rôle sous la dictée de son personnage
. Le marquis et les jeunes élégants parlent naturellement le langage alambiqué , un peu
précieux , des gens à la mode , et c’est une sorte de jargon que Molière ne prend pas à son compte . Les gros
bourgeois , comme Chrysale, M. Jourdain , M Jourdain ,
M. Josse , M. Dimanche , parlent la bonne , simple et drue langue française, celle du Palais et des boutiques.
Et les servantes s`experiment sans façon tantôt avec les proverbes des
Halles, et tantôt avec l`accent de leur province. Les gens de métiers usent des métaphores et des locutions de leur état.
Molière a senti le premier combien la condition façonne et déforme à la longue l`individu. Comparez le style du maitre de
danse, du maitre de philosophie, du maitre d`armes, dans le Bourgeois gentilhomme ; étudiez celui de Tartuffe et celui
de M . Jourdain, vous serez convaincu que, bieu avant Diderot, Molière ne fait parler les conditions. En un mot, Molière n`a
pas un style, il a autant dé stykes que de personnagés différents ; en qui il est infiniment supérieur à Regnard, à Marivaux,
à Beaumarchais et à Dumas fils. Jamais Molière ne fait d`esprit. Les naifs et les imbéciles restent chez lui tout ce qu`ils
sont. Et vous , vous rappelez la réponse de Dorante (Critique de l`École des femmes) au marquis Turlupin, qui se moque d`une
sottise d`Arnolphe : « L`auteur n`a pas mis cela pour être de soi un bon mot, mais comme : unde chose qui caractérise
l`homme. »
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