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Histoire de son Théâtre
Molière, les règles et le public
L'action dans les comédies de Molière
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Le tragique dans Molière
La morale dans Molière
Le style de Molière
Des images

Histoire de son Théâtre

           Après les farces nombreuses, écrites por le public de province et dont il nous reste deux échantillons: le Jalousie du Barbouillé et le Médecin volant, Molière donne à Lyon, en 1653 ou 1665, sa première grande comédie, l’Etourdi.

            1653 ou 1665. L’Etourdi ou les Contretemps. La pieèce, en cinq actes et en vers, est imitée d’une comédie italienne de Nicolo Barbiéri, l’Inavvertito (le Malavisé), qui datait de 1629. Joué d’original à Lyon, l’Etourdi fur repris à Paris en 1658, avec un grand succès; Molière y faisait merveillr dans le rôle de Mascarille.- C’est plutôt une suite de scènes liée qu’une intrigue construite; mais les situations y dépendent , dans une certaine mesure, des caractères. En effect, Lélie aime Célie, qui a été vendue au veillard Trufaldin par des bohémiens. Il faudrait à Lélie une assez forte somme d’argent pour délivrer Célie; c’est à la trouver que s’emploie le génie de Maqcarille, son valet, le fourbe des fourbes (fourbun imperateur) . Mais chaque fois que Mascarille a inventé quelque ruse infaillible, la maladresse et l’étourderie de Lélie la font échouer. Enfin, tout s’arrange au moyen d’une double reconnaissance, et Lélie épose Cécile.- Le style de l’Etourdi est charmant, d’une vivacité parfous un peu négligée, mais plein de verve et toujours scénique.

            1656. Le Dépit amoureux.- De nos jours, on représente cette pièce en deux actes. A l’origine, le Dépit amoureux étiait en cinq actes, imité d’une comédie italienne de Nicolo Secchi. La partie que l’on surpprime depuis la fin du dix-huitième siècle est un imbroglio de la plus singulière invraisemblance. On ne conserve que les charmantes scènes de brouille et de réconciliation, entre Eraste et Lucile, Marinette et Gros-René. Molière devait souvent revenir à cette situation; et combien de pièces de son théâtre pourraient avoir pour sous-titre: le Dépit amoureux, comme celles de Marivaux sont toutes plus ou moins des Suprises de l’amour.

            1659. Les Précieuses ridicules.- On appelait alors farce toute comédie en un acte écrite en prose. Aussi avons-nous un compte rendu de cette pièce, écrit en 1660 par M-lle des Jardins, sous ce titre: Récit de la farce des Précieuses.- Le bourgeois Gorgibus a une fille, Magdelon, et une nièce, Cathos, qui sont devenues précieuses. Deux jeunes gentilshommes, La Grange et Du Croisy, ont demandé Magdelon et Cathos en mariage: celles-ci, ne les jugeant paassez distingués, ont répondu par un refus. La Frange et Du Croisy pour se venger envoient les préciueses ridicules leurs valets, Mascarille et Jordelet, aui se font passer pour des hommes de monde et pour de beaux-esprits. Mais soudain les maitres reparaissent et obligent les valets à dépouiller leur déguisement et à se montrer en souquenille et en vaste blanche. On juge de l’humiliation des deux précieuses.- C’est peut-être à Montpelier, où Chapelle et Bauchaumont (voir leur Voyage) signalement le présence d’une coterie de « précieuses de ca,pagne », que Molière observa les types au’il a peints dans sa premières comèdie originale. Arrivé de la veille à Paris, et n’ayant pas encore ses entrées dans  les salons, il n’aurait pu prendre sur le vif des ,odèles de la capitale. D’ailleurs, M-me de Rambouillet et ses amis applaudirent vivement la farce de Molière. Cependant, on sait par Somaize qu’un alcôviste de qualité la pièce pendant quinze jours. Ce petit chef-d’oeuvre classique n’a jamais quitté la repertoire. C’était le vrai débout de Molière; il pouvait dire, à dater de 1659: « Je n’ai plus qu’à regarder le monde »; et, du parterre, une voix lui écriait: « Courage, Molière! Voilà la bonne comédie. »

            1660. Sganarelle est une farce en un acte et en vere, fondée sur un quiproquo. C’est la première fois que parait (pour se substituer à Mascarille) le type traditionnel de Sganarelle, trembleur, poltron, battu et content, que l’on retrouvera l’Ecole des maris le Mariage forcé, Don Juan, L’Amour médecin et le Médecin malgré lui.

            1661. Don Garcie de Navarre ou le Prince Jaloux.- La jalousie, ridicule dans la farce précédente, est ici présentée sous un aspect tragique. Don Garcie est une tentative malheureuse de Molière dans le genre de la «comédie héroique »  ; la pièce ne réussit pas.Elle est intéressante aujourd’hui parce que Molière en a tiré plusieurs passages qu’il a introduits, avec les variantes nécessitées par la différence des genres,dans le Misanthrope.

            1661. L’Ecole des maris fut, au contraire, un gros succès. Cette pièce, en trois actes et en vers, est imitée très libre,ent des Adelphes, de Térence.

Mais Térence comparait l’éducation donnée à deux jeunes gens,Eschine et Ctésiphon, par un père trop sévère, Déméa, et un oncle trop indulgent, Micion.Chez Molière,nous sommes dans les traditions de la comédie italienne: Sganarell et Ariste élèvent chacun une pupille ; le premier tient Isabelle dansla plus dure contrainte,et se la voit enveler par le jeune Valère ; Ariste est plein d’indulgence pour Léonor, gagne sa confiance, s’en fait aimer et l’épouse. La partie comique et même bouffonne est très développée.Le titre d’école,qui sera repris par tant d’auteurs dramatiques,signifie : pièce où l’on s’instruit, où l’on apprend comment il faut se conduire dans telle ou telle situation.

            1661 .Les Fâcheux, trois actes en vers, ont été composés par Molière pour le surintendant Fouquet.La pièce fut écrite et apprise en quinze jours, et jouée au château de Vaux le 17 août 1661, pendant les fêtes que Fouquet donnait au Roi et à la reine-mère. Louis XIVen fut charmé ; il félicita Molière, et lui indiqua un nouveau type àintroduire dans sa comédie, le grand veneur, de Soyecourt.Le 25 août, les Fâcheux furent joués à Fontainebleau devant la cour, avec le récit du chasseur.- C’est une comédie « à tiroirs « ;dans un cadre très large sont introduites un certain nombre de scènes, où apparaissent des types qui ne reviendront plus.Pas d’autre intrigue que celle-ci : Eraste, qui aime Orphise,a obtenu d’elle un rendez-vous ; il est sans cesse retardé par des fâcheux (importuns ), un duelliste, un joueur,deux bavardes précieuses, un chasseur, un pédant.En fin E raste peut rejoindre Orphise, et leur mariage est décidé.-Molière a dédié sa pièce au roi. 

            1662.L’Ecole des femmes.-Voici le premier « grand ouvrage »  de Molière, celui dont la nouveauté et l’importance furent si vivement senties qu’il y eut une querelle de l’Ecole des femmes, comme une querelle du Cid et une querelle d’ Andromaque. La pièce valut à Molière d’être inscrit sur l’était des pensions pour une somme de mille livres.-En apparence du moins, la pièce est plutôt d’intrigue que de caractères. Arnolphe a une jeune pupille, Agnès, qu’il veut épouser, et qu’il maintient dans l’ignorance et l’esclavage pour éviter qu’elle lui échappe. Cependant, un jeune homme, Horace, fait la cour à l’innocente Agnès ; il invente des stratagèmes pour attirer son attention et mériter son amour.Et c’est au malheureuxArnolphe lui- même, qu’il ne connait pont pour le tuteur d’Agnès, qu’Horace fait confidence de ses succès.Les précautions nouvelles prises par Arnolphe tournent contre lui, et tout  aboutit au mariage d’Agnès et d’Ilorance. La pièce pourrait porter pour épigraphe ces mots de Figaro : « Voulez-vous donner de l’esprit à la plus sotte : enfermez-la. » Mais, dans cette intrigue, e,pruntée au conteur italien Straparole, et dont Scarron avait déja tiré une nouvelle, Molière a su peindre des caractères et glisser une philosophie. –Les attaques contre l’Ecole des femmes étaient les unes littéraires (on accusait Molière de plagiat, de manquer aux régles d’Aristote, etc.), les autres, plus graves, morales (équivoques grosières, allusions imertinentes à la religion, etc.). Molière , pour répondre ) ces critiques, commenca par dédier sa pièce à Henriette d’Angleterre, duchesse d’Orléans. Puis il composa une petite comédie de circonstance, afin d’instruire le procès de l’ecole des femmes devant le pubil, seul juge en ces matières.

            1663. La critique de l’Ecole des femmes.- L’action de ce petit acte se passe dans le salon d’une femme d’esprit, Uranie. Paraissent de visiteurs, qui les uns attaquent Molière, les autres le défendent. Le marquis a trouvé la pièce « du dernier détestable » ; pourquoi ? c’est ce qu’il ne daigne pas expliquer. Le pédant Lysidasla juge, mal faite, et la décompose en protase, épitase et péripétie. La prude Clymène rougit de son immoralité. Le poète est défendu par Uranie, pas sa cousine Elise, et sourtout par le chevalier Dorante, qui représente Molière lui-même.- A l’oeuvre de Molière, de Visé répondit par Zélinde ou la Véritable Critique de lEcole des femmes, et Boursault par le Portrait du peintre.

            1663. L’Impromptu de Versailles est un autre à-propos, joué à  Versailles le 4 octobre de cette même année, et à Paris en novembre.- Molière se défend contre de Visé, Boursault, et les comédiens de l’Hotel de Bourgogne. Dans cette petite pièce, il nous ouvre les coulisses de son théâtre: nous l’y voyons comme directeur et comme acteur; et auteur de lui, tous ses artistes, sous leur vrait nom, avec leur caractère, s’agitent, discutent et, tout en répétant une pièce nouvelle, provoquent ses conseils ou ses remontrances. L’Impromptu est précédé d’une dédicace en vers adressée au Roi: c’est un portrait aussi hardi que piquant du marquis à la mode.

            1664. Le Mariage forcé fur écrit pour la cour, et représenté avec des ballets dont Lulli composa la musique. Parmi les dansateurs on voyant le duc de Saint-Aignant, le duc d’Enghien, le marquis de Villeroi, et Louis XIV.- Sganarelle, bourgeois àgé et ridicule, doit épouser Dorimène, jeune coquette, fille du seigneur Aleantor. Mais il lui vient de doutes sur l’opportunité de ce mariage; il consulte successivement le le philosophe aristotélicien Pancrace, et le philosophe pyrrhonien Marphurius: mais il n’obtient aucune  réponse. Toutfois il va rendre sa parole au seigneur Alcantor. Mais Alcidas, frère de Dorimè,e et duelliste éprouvé, veut obliger Sganarelle à se battre avec lui: et Snagarelle cousent à faire ce mariage forcé.- Aujourd’hui, le Mariage forcé est toujours joué sans les ballets; on n’en apprécie que mieux la sauveur comique, notamment dans les scènes où Sganarelle consulte les deux philosophe. Molière héritant ici de ce qu’il y a de plus sensé dans Rabelais.

            1664. La même année, Molière écrit encore pour les fêtes données à la cour une comédie-ballet en cinq actes, la Princesse d’Elide. La princesse est demendée en mariage par Aristomène, price de Messène, et par Théocle, prince de Pyle. Mais elle aime le prince d’Ithaque, Euryale; et celui-ci aime la princesse. Les deux amants, aussi fieres l’un que l’autre, ne veulent pas se déclarer. Il en résulte une série de fausses confidences qui souvent ne manquent pas de finesse et font songer à Marivaux. Enfin, la princesse, apprenant que celui qu’elle aime se prépare à épouser sa cousine Aglante, dompte son orgueil. Un rôle comique, celui du bouffon Moron (joué par Molière), vient égayer ces subtiles discussion galantes. Des intermèdes, où la musique a une part ingénieuse, coupent agrréablement ces actes un peu traînants.- Molière ne mit en vers que le premiere acte et une partie de la première scène du second; pressé par le temps, il écrivit le reste en prose.

            1664. Tartuffe.- Voici en quelques mots le suiet de la pièce: Orgon est un bourgeois, remairé à Elmire, et qui a de son premier mariage un fils, Damis, et une fille, Mariane. Sa mère, M-me Pernelle, demeure avec lui. Orgon a toujours été un homme intelligent, et il s’est comporté pendant les troubles de la Fronde comme un brave, et loyal sujet. Mais il a fait la rencontre d’un certain Tartuffe, qui se présent à lui sous les dehors du plus parfait dévot; il s’en est entiché, au point de lui donner l’hospitalité, de lui confierses secrets, et de lui promettre la main de sa fille. Quand la pièce, commence, on voit la famille, jusq’alors très unie, divisée en deux camps, pour et contre Tartuffe. En vain le frère d’Orgon, Cléante, lui conseille de se défier de cet hypocrite; en vain Damis surprend Tartuffe en train de déclarer son amour à Elmire; rien ne peut dessiler les yeux d’Orgon, qui chasse son fils, veut contraindre Mariane à ce mariage odieux, et fait une donation de ses bieus à Tartuffe. Cependent, gràce à une ruse d’Elmire, Oregon finit par se convaincre de la scélératesse du faux dévot, et il veut le mettre à la porte. Mais Tartuffe, muni de l’acte de donation, va spolier la famille et faire arrêter orgon, quand heureusement l’intervention du poi amène la punition du coupable.- L’histoire de la pièce est curieuse. Tartuffe fut d’abord représenté le 18 mai 1664 à la cour, en trois actes; la pièce était-elle complète sous cette pre,ière forme ou inachevée ? On ne sait. Cependent, à la demande d’Autriche et de l’archevêque de Paris, le Roi n’en permit pas la représentation publique; et Molière allait en faire des lectures dans les salons; on jouait même Tartuffe chez Monsieur et chez la Princesse Palatine. Le 5 août 1667, %olière est autorisé à donner sa pièce: il y a apporté quelques changements (que nous connaissons avec une certaine précision par la Lettre sur la comédie de l’Imposteur, écrite par un spectateur), et il compte sur un grande succès. Mais, le lendemain 6 août, le Tartuffe est interdit par M. de Lamoignon, premiere président du Parlement Le Roi était alors en Flandre. Molière lui adresse, par deux de ses comédiens, La Grange et La Tartuffe, un placet, qui reste sans effet immédiat. C’est seulement le 5 février 1609 que Tartuffe est définitivement authorisé. La pièce est de celles qui soulèvebt les questions les plus délicates. Nous ne pouvons que renvoyer ici aux notices et aux dissertation innombrable dont tartuffe a été Poccasion.  

            1665. Don Juan.- Après le première interdiction de Tartuffe, Molière fut obligé d’écrire à la hâte une pièce capable d’attirer le public. On jouait alors, chez les comédiens italiens, à l’Hôtel de Bourgogne, au Marais, des imitations ou adaptions du Don Juan de Tirso de Molina; le sujet faisait furer. Molière eut donc, lui aussi, son Don Juan. Il traduisait assez singulièrement le titre de la comèdie des Italiens: Il convitatodi pietra (le Convié de pierre) en le Festin de pierre.- Don Juan est le « grand seigneur méchant homme », qui se joue de Dieu et des hommes. Il a quitté sa femme, Elvire, pour faire un autre mariage avec une jeune fille qu’il veut enveler à son fiancé. Une tempête jette Don Juan et son valet, Sganarelle, sur une côte; ils sont recueillis par des paysans, et Don Juan fait aussi tôt la cour à deux filles de la compagne, Charlotte et Marthurine. Cependent il est poursuivi par Don Carlos, frère d’Elvire; un hasard fait que Don Juan délivre ce gentilhomme d’une attaque de brigands; et Don Carlos lui accorde la vie. Don Juan arrive ensuite devant le tombeau de Commandeur, qu’il a tué jadis; il s’adresse à sa statue et l’invite à diner; la statue fait un signe d’acquiscement. A l’acte suivant on voit le commanduer qui se rend à l’invitation de don Juan, qui s’assied à sa table, et qui lui demande de venir à son tour souper avec lui. Don Juan va au rendez-vous; mais la terre s’entr’ouvre, il en sort des flammes, et Don Juan est englouti dans l’Enfer. Le Don Juan de Molière est la première de ses grands pièces en cinq actes qui soit écrite en prose. Le public ne l’accueillit pas moins avec faveur. Il applaudit particulièrement les passages qui lui rappelaient Tartuffe, et sourtout, au V-e acte, le tirade sur l’hypocrisie. Mais les ennemis de Molière furent scandalisés de la jardiesse de certaines scènes, et l’auteur dut faire des corrections. En 1677, Thomas Corneille mit en vers le Don Juan: il en adoucit les passages scarbreux; et c’est sous cette forme que la pièce fut jouée jusau’en 1840.

            1665. L’amour médecin, comèdie-ballet, musique de Lulli, est  une des premières pièces où Molière attaque et ridiculise les médecins. C’est une refonte du Molière volent, farce que Molière avait composée en province.- Une riche et avare bourgeois, Sganarelle, a une fille, Lucinde, et cette fille est malade. Il consulte ses voisins; ceux-ci lui donnent tous des conseils intéressés (« Vous êtes orfèvre, monsieur Josse »). Lucinde demande simplement à son père de la marier. Mais Sganarelle ne veut rien entendre; il est trop avare pout doter sa fille, et il aime mieux consulter quatre médecins; ceux-ci ordonnent des rèmedes contradictoires. Alors arrive Clitandre, le jeune homme qui aime Lucinde; il est déguisé en médecin et il prend persuade au père que sa fille est folle, et qu’il faut feindre de la marier avec lui. Et la pièce s’achève par l’enlèvement de Lucide.- Il y a dans l’Amour médecin un deuxième acte tout à fait remarqable, qui contient la consultation des quatre médecins, parodie spirituelle et toujours exacte.

              1666.  Le Misanthrope . Alceste hait tous les hommes ; auxquels il reproche leur manque de franchise ; il voudrait bannir de la société toutes les conventions hypocrites . Son ami Philinte , au contraire , prend tout doucement les hommes comme ils sont . Or, Alceste, par une singulière contradiction, aime une jeune veuve coquette et médisante,Célimène. L’action de la pièce, très simple, est constituée par ceci : Alceste vient chez Célimène, pour la mettre en demeure de lui dire si elle veut, oui ou non, l’épouser ; et il en est toujours empêché.- Au premier acte, il attend Célimène : arrive un gentilhomme bel esprit, Oronte, qui lui lit un sonnet. Alceste trouve le sonnet détestable, il le lui dit ;Oronte se fâche :il va en résulter un duel, et Alceste sort sans voir Célimène . – Il revient, au second acte, avec elle ; on annonce des visites ; Alceste voudrait attendre, pour s’expliquer en tête - à- tête avec Célimène : mais on vient le demander de la part des maréchaux pour arranger son duel. – Au troisième acte, nouvel obstacle :Alceste est chez Célimène, quand arrive la prude Arsinoé qui lui pro,et de lui remettre une lettre écrite par Célimène à Oronte : Alceste, jaloux, suit Arsinoé. – Au quatrième acte, après une scène violente, Alceste va enfin ; semble-t-il, obtenir une réponse de Célimène, quand son valet Dubois vient le chercher pour son procès. – Enfin ; au cinquième acte, Célimène est confondu  par tous ceux à qui elle a écrit des billets et qui se les sont montrés. Alceste ,plus généreux, offre à Célimène de l’épouser, pourvu qu’elle consente à quitter le monde ; comme elle hésite, il la refuse, et déclare qu’il va « chercher sur la terre un endroit écarté où d’être homme d’honneur on ait la liberté ».  –Le Misanthrope n’est plus compris aujourd’hui comme au dix-septième siècle. Alceste était alors considéré comme un très honnête homme sans doute, mais comme un radicule. De là, les critiques de Fénelon (Lettre à l’Académie ) et de J.-J. Rousseau (Lettre à d’Alembert ). Nous avons fait de lui un héros romantique. Avec son action très simple, où tous les incidents sortent du caractère principal, avec son style toujours approprié aux personnages , avec la morale si haute et si complexe qui s’en dégage, le Misanthrope est considéré comme le chef -d’œuvre de Molière. Le succès en fut d’abord un peu hésitant : mais la pièce s’imposa et prit le premier rang.

La même année, la Médecin malgré lui. On prétend que Molière dut composer cette farce pour soutenir le Misanthrope, qui n’attirait pas le public. Mais la petite pièce n’accompagna la grande qu’à partir de la  vingt-quatrième représentation.  Ce dut être pour  les spectateurs un singulier régal que de voir, dans la même soirée, Molière jouer les fureurs d’Alceste et les drôleries de Sganarelle. – On sait , comme nous l’avons dit en parlant des fabliaux, que Molière a profité, pour son Médecin malgré lui, du l’ilain Mire (le Paysan médecin). – Sganarelle est un bûcheron qui boit tout ce qu’il gagne, et qui bat sa femme, Martine . Celle-ci rumine un moyen de se venger. Elle est abordée par deux personnages qui cherchent un médecin pour la fille de Géronte, Lucinde . Martine leur dit que son mari est un grand médecin, mais qu’il ne l’avoue que s’il a été bien battu .Sganarelle, après voir reçu force coups, consent à se dire médecin. On le mène chez Géronte, qu’il éblouit par son bavardage, et il feint de diagnostiquer la maladie de Lucinde : la jeune fille est devenu muet ; c’est un mauvais tour qu’elle joue à son père, parce que celui-ci refuse de lui laisser épouser Léandre .Sganarelle s’entend avec Léandre ; celui-ci se déguise en apothicaire , et peut ainsi pénétrer  Sganarelle ; mais les deux fugitifs reviennent, et comme Léandre vient d’hériter de son oncle, Géronte, ne voit plus d’obstacle au mariage.

1666-1667. Il faut grouper ici trois pièces écrites par Molière pour les fêtes données à la cour, du 2 décembre  1666 au 20 février1667. Dans le Ballet des Muses , imaginé par Benserade, ballet qui se compose de treize entrées, et où l’on vit danser Louis XIV, Henriette d’Angleterre,M  de la Vallière et M  de Montespan, Molière  fut chargé de la troisième entrée, pour laquelle il fit Mélicerte , comédie - pastorale héroïque . – Mélicerte fut bientôt remplacée par la Pastorale comique ; puis on ajouta une quatorzième entrée , où  Molière plaça le Sicilien ou l’Amour peintre.

1668. Amphitryon. – Cette pièce est une imitation, et presque une adaptation en vers libres, de la comédie latine de Plaute. Déjà Rotrou en avait donné une version  française dans Les Sosies(1650) . – Pendant l’absence d’ Amphitryon ;général thébain , Jupiter a pris sa figure et s’est installé chez lui. De même , Mercure se fait passer pour Sosie, valet d’ Amphitryon . Quand le maître et l’esclave reviennent, ils se trouvent en présence d’un autre Amphitryon  et d’un autre Sosie. De là des quiproquos, que Jupiter dénoue en se révélant. – Molière a inventé le personnage de Cléantlus, la femme de Sosie, pour établir un parallélisme completière 1650)?, et il a prêté plus de dignité à Alemène(I).

   La même année, George Dandin nous ramène à la farce, mais à une farce telle que seule pouvait l’écrire l’auteur du Misanthrope .Là il reprenait, pour la transformer en trois actes, la pochade intitulée la Jalousie du Barbouillé . – Le bourgeois Dandin a épousé Angélique de Sottenville , tille d’un gentilhomme ruiné . Angélique est une coquette, qui se laisse courtiser par Clitandre. Dandin veut mettre tin à ce manège ; mais il est dupe de toutes ses précautions, et c’est lui qui est obligé de faire des excuses à  sa femme et à son beau-père. Il reconnaît dans son malheur la juste punition de sa vanité : « Tu l’as vu,George Dandin !... » George Dandin  fut joué pendant les fêtes données à Versailles pour célébrer la conquête de la

Franche-Comté.

Et toujours en 1668, Molière écrit une nouvelle pièce en cinq actes ; mais en prose, un de ses chefs - d’œuvre, l’Avare, puisé à diverses sources , entre autres l’Aululaire de Plaute et les Esprits de Larivey . – Plaute avait représenté dans l’Aululaire un pauvre homme, Euclion  ,qui,ayant découvert dans son foyer une marmite pleine d’or, devient défiant et inquiet , comme le savetier de La Fontaine, et qui guérit de son mal quand il s’est débarrassé de sa marmite pour doter sa fille. Molière nous peint en Harpagon un véritable avare, c’est-à-dire un homme très riche qui n’ose rien dépenser et qui continue à s’enrichir par l’usure. Harpagon a un fils à qui il refuse de l’argent, et qui en empiunte à gros intérêts ; une fille qu’il veut marier sans dot à un vieux gentilhomme, et qui a signé une promesse de mariage à Valère, intendant d’Harpagon.  Il veut lui-même se remarier avec la jeune Mariane, et cet amour ne lui inspire aucun acte de générosité. La Flèche , le valet de Cléante, fils de l’avare, vole au père une cassette contenant 10 000 écus, et ne consent à la rendre que si Harpagon renonce à Mariane, aimée de Cléante. Enfin, une reconnaissance termine la pièce : Mariane et Valère sont les enfants du seigneur Anseline qui devait épouser Élise. Il y aura deux mariages assortis : Mariane  et Cléante , Élise et Valère . Quant à l’avare, il ira « revoir sa chère cassette » .

   1669 . Pour la cour , qui séjournait à Chambord, Molière compose Monsieur de Pourceaugnac , comédie -ballet en trois actes , où les souvenirs de sa vie de province sont plus vifs qu’en aucune autre pièce. – M . de Pourceaugnac est un gentilhomme limousin, tout à fait ridicule, qui vient à Paris pour épouser Julie,fille d’Oronte. Mais Julie aime Éraste ; dont le valet Sbrigani entreprend d’évincer M . de Pourceaugnac. Le meilleur des tours qu’il lui joue est celui-ci : il fait venir deux médecins à qui il annonce que Pourceaugnac est fou. Les médecins , dans une consultation qui est un chef -d’œuvre (comme celle de l’Amour médecin), déclarent qu’en effet le Limousin est un fou dangereux : et ils le font traiter en conséquence . Puis on persuade à Oronte que Pourceaugnac était déjà marié ; et celui-ci est menacé d’être pendu comme bigame. – Enfin, excédé, il quitte la place ; et Julie pourra épouser Éraste.

1670. C’est pour les fêtes de Saint-Germain que Molière donne au Roi  les Amants magnifiques (magnifique signifie généreux. Cf. Laurent le Magnifique), musique de Lulli. – Puis la cour se transporte de nouveau à Chambord,où Molière est appelé , et où il fait jouer le Bourgeois gentilhomme, comédie – ballet, avec musique de Lulli. – M. Jourdain, riche bourgeois  dont le père s’est enrichi en vendant du drap, veut faire l’homme de qualité. Il prend un  maître de musique, un maître  à danser, un maître d’armes, un maître de philosophie. Il se laisse escroquer de l’argent par Dorante , qui « parle de lui dans la chambre du Roi ». Il ne veut  marier sa fille Lucile, qu’à un gentilhomme(I). – Cependant ; Covielle, valet de Cléante qui aime Lucile , invente un stratagème  burlesque pour duper M. Jourdain. Il lui présente Cléante comme le fils du Grand Turc venu pour épouser sa fille. M. Jourdain, très flatté, se fait recevoir mamamouchi, et accorde la main de Lucile à Cléante. – Le divertissement turc, qui termine la pièce , était alors une sorte d’actualité ; la turquerie était à la mode, et Molière obtint des renseignements exacts sur les Turcs par Laurent d’Arvieux, qui revenait d’Orient (2).

1671. Psyché, autre « divertissement », ou tragédie -  ballet , fut représentée aux Tuileries.

   Molière tira cette pièce d’une fable racontée par Ampulée dans ses Métamorphosés , et déjà mise en ballet par Benserade en 1656 , puis en roman par la Fontaine en 1671. Voici comment il la dispose : Psyché est une jeune fille si Vénus en est jalouse et demande à l’Amour de la punir : la scène entre l’Amour et Vénus, et déjà mise en ballet peries. forme le prologue. On voit les deux sœurs de Psyché, Aglaure et Cidippe,, qui sont jalouses d’elle . Arrivent deux princes qui font la cour à Psyché, mais un messager vient chercher la jeune fille de la part de son père. Celui-ci a reçu des dieux l’ordre d’exposer sa fille dans un désert où elle sera dévorée par un monstre ; il exprime sa douleur, et il la quitte ; mais le monstre est l’Amour qui, touché de la beauté de Psyché, la transporte dans un palais magnifique , et devient son époux. Il ne met qu’une condition à la durée de ce bonheur , c’est que Psyché ne lui demandera jamais son nom. Psyché,  poussée par ses sœurs, insiste auprès de l’Amour pour savoir qui il est ; l’Amour disparaît à ses yeux  , et le palais fait place au désert. Vénus touchée par les larmes de l’Amour , intervient ; elle obtient de Jupiter la grâce de Psyché. – Molière n’a écrit de cette pièce que le premier acte, la première  scène de l’acte II , la première  scène de l’acte III ; le reste a été écrit , sur le plan que Molière avait arrêté, par Corneille ; Quinault avait fait  les vers destinés au chant.

1671. Le Fourberies de Scapin. Cette comédie en trois actes et en prose , est imitée du Phormion de Térence. Molière y revient aux valets italiens et y reprend encire une farce de son répertoire primitif : Gorgibus dans le sac, imitée d’une célèbre tabarinade . – En l’absence de son père Argante, Octave a épousé une jeune fille pauvre et de naissance inconnue, Hyacinte ; son ami, Léandre, fils de Géronte , veut épouser Zerbinette. Les deux pères reviennent : Argante ; qui destinait à son fils une fille de Géronte , veut faire casser le mariage  d’octave et de Hyacinte ; et Géronte est furieux des projets de son fils ; Léandre, à qui il refuse d’épouser Zerbinette : celle)ci, d’ailleurs, enlevée dès son jeune âge par des Égyptiens , ne peut être délivrée qu’au pris d’une forte somme d’argent . Le valet Scapin promet aux deux jeunes gens de les tirer d’affaire. Par ses fourberies, il arrache aux deux vieillard l’argent nécessaire ; puis il se venge de Géronte, en le rouant de coups ( scène du sac). Heureusement que Géronte reconnaît sa fille dans Hyacinte , et Argante la sienne dans Zerbinette . Tout le monde pardonne à Scapin (I).

1672. La Comtesse d’Escarbagnas .-  Molière est chargé d’organiser des fêtes à Saint- Germain en l’honneur du mariage de Monsieur, frère du Roi. Il arrange une sorte de Ballet des ballets, où il intercale les intermèdes de Psyché , de George Dandin, de la Pastorale comique, du Bourgeois gentilhomme. Le tout est assez lâchement relié par une pastorale, aujourd’hui perdue. Enfin, y figuraient quelques scènes dialoguées, qui forment la Comtesse d’Escarbagnas . Là encore, on peut retrouver quelques souvenirs des travers de province . Une ridicule comtesse, d’Angoulême, s’imagine, comme la Bélise des Femmes savantes , que tout le monde lui fait la cour. Elle est en effet recherchée, à cause de sa fortune, par M. Harpin, receveur des tailles, et par M. Thibandier, conseiller au Parlement ;c’est ce dernier qu’elle se décide à épouser.

1672. Les Femmes savantes. - Molière a enfin le loisir de terminer et de faire représenter sure son théâtre une grande comédie en cinq actes et en vers, les Femmes savantes, qui sont comme un agrandissement des Précieuses ridicules. – Le bon Bourgeois Chrysale a pour femme Philaminte, et pour filles  Armante et Henriette . Philaminte s’est jetée dans le pédantisme avec sa belle sœur Bélise, et a entraîné dans sa manie sa fille aînée Armande ; le plus bel ornement  de son salon est Trissotin,poète ridicule et hypocrite. Le jeune Clitandre avait demandé la main d’Armande ; mais celle-ci l’ayant fait attendre pendant trois ans, Clitandre reporte son amour dédaigné sur Henriette . Philaminte veut faire épouser Henriette à Trissotin. De la conflit entre le père et la mère. Celle-ci triomphe d’abord, grâce à la faiblesse de Chrysale, et Trissotin semble le maître de la situation ; il trône dans ce salon où il fait admirer ses vers, et où il introduit le pédant Vadius. Henriette est en danger d’épouser Trissotin, quand Ariste, frère de Chrysale annonce que la famille est ruinée : aussitôt Trissotin se retire, car il n’en voulait qu’à la dot. La nouvelle était fausse , et destinée seulement à démasquer le bel esprit mercenaire. Philaminte consent alors au mariage d’Henriette et de Clitandre . – Cette comédie, soulève toutes les questions relatives à l’éducation des femmes . Le point essentiel, pour   Molière , c’est que le pédantisme fait prendre aux femmes leurs qualités naturelles, et le détourne  de leurs véritables devoirs.

1673. La Malade imaginaire. – Cette comédie - ballet , composée à l’occasion du retour du Louis XIV vainqueur  de la Holland, ne fut pas représentée à la cour, ,ais sur le théâtre du Palais-Royal . Elle y obtint un grand succès . C’était la dernière satire de   Molière contre les médecins . – Argan est un malade imaginaire : il s’occupe exclusivement de sa santé, et veut marier sa fille Angélique au fils d’un médecin, M. Diaforus . Il est d’ailleurs poussé  à sacrifier ses enfant par sa second femme , Béline ,qui lui fait faire un testament en sa faveur . Détrompé par son frère Béralde ; il finit par consister au mariage d’Angélique  et de Cléante qu’elle aime , mais se fera lui-même recevoir médecin. De là, une cérémonie, qui est la parodie des réceptions des docteurs à la Faculté, aux dix-septième siècle.  C’est aujourd’hui une occasion  de faire défiler devant le public tous les artistes du théâtre. – À la quatrième représentation ,   Molière fut frappé d’une attaque , il put achever son rôle, mais transporté chez lui, il y mourut.