Mais, d’abord, elle dut s’associer à une autre troupe, déjà connue, celle
de Charles du Fresne , dont elle ne se serait séparée que vers 1650. On sait, par le Roman comique de Scarron, ce que
pouvait être, à cette époque, la vie des comédiens nomades. Quique Scarron n’ait certainement point fait l’histoire
de Molière, bien des traits du roman peuvent s’appliquer à lui et à ces compagnons, mais avec force réserves. –Il
est impossible, en dépit de recherches minutieuses, de suivre, année par année et étape par étape, les voyage de Molière.
Quel était son répertoire, en provence? D’abord, très probablement, un grand nombre de pièces, sérieuses ou comiques,
des auteurs à la mode. Nous savons que Molière joua Nicomède à Bordeaux; il dut posséder dans son répertoire d’autres
pièces de Corneille, de Du Ryer, de Tristan, de Rotrou, de Th. Corneille, etc. Evidement, l’étude de toute cette production
contemporaine donna à Molière un fond de connaissance dramatique que rien n’êut remplacé. Pour avoir joué tous les auteurs
de son temps, il fut rompu à leurs procédés d’intrigue et de style. Molière y ajouta de bonne heure des pièces
de sa composition , soit de grands ouvrages tragique, soit des comédies imitées de l’Italie (comme l’Etourdi et
le Dépit amoureux), soit des farces, genre dans lequel il excellait. Ainsi, sans qu’il nous soit possible d’insister
sur le détail, Molière, entre 1646 et 1658, pendant douze ans, joue tout répertoire contemporain, et s’exerce dans tous
les genres.
Mais ce qu’il doit surtout à ce long séjour en province, c’est l’observation directe des moeurs et
des caractères. Resté à Paris, Molière n’eût jamais trouvé l’occasion de contempler tant d’originaux. La
province, moins soumise à l’éfiquette, où la vie était plus simple et plus libre, où d’un lieu à un autre les
types comme les costumes changeaient, offrait à Molière un champ d’observation dont il a su profiter. On nous le
représente, chez le barbier de Pézenas, prètant l’oreille aux conversations; ainsi dut-il s’instruire, partout
où il s’arrêta. Son théâtre contiendra des types plus accentués d’un relief plus haute, que ne devaient l’être,
à cette époque, les types parisiens. C’est la province qui non seulement lui a fourni Gorgibus et M. De Pourceaugnac,
mais ce qu’il y a de plus vif dans un Chrysale, dans un M. Jourdain, et peut-être dans un Tartuffe.